Le monde de l'information, connaît lui aussi des perturbations profondes. La télévision avait déjà changé les choses. Les chefs d'entreprises ont dû apprivoiser la façon de se comporter devant le micro et la caméra. Mais ce sont les nouvelles en continu qui ont encore plus radicalement changé l'information. Désormais tout est live. On vit la tyrannie de la "clip", du deadline et de l'audimat. Les ordinateurs personnels et Internet en ont rajouté, sans compter les téléphones intelligents, capables de capter des photos et de tourner des vidéos aussitôt retransmise live partout et tout le temps.
"Le gouvernement ne réagissant pas dans l'heure [...] est vite accusé de mollesse, d'incompétence", écrit André Pratte sur son blogue. Il cite Jean-Louis Servan-Schreiber qui déplore que "les élus sont condamnés à gouverner en direct avec l'électorat toujours sur les talons. Le politicien n'a plus le temps de réfléchir". Ni le journaliste, d'ailleurs. L'opinion publique se forge souvent avant que tous les faits soient connus, écrit l'éditorialiste en chef de La Presse.
Le leader qui n'accepte pas de se prêter à l'inquisition avant d'avoir pu vérifier les faits et considérer la question est cité comme "se refusant à tout commentaire" et, donc, comme admettant les faits par défaut.
Je cite souvent les pages éditioriales de La Presse parce qu'à mon avis, elles sont les plus riches en contenus diversifiés et souvent contrariants par rapport aux idées reçues de la machine médiatique.
En réponse à la télé continue, les imprimés ont changé leur fusil d'épaule, abandonnant la nouvelle brute pour l'enquête et surtout le commentaire, prêtant le flanc au mélange des genres. Certains jours, on a l'impression qu'il y a plus de chroniques d'opinions dans les journaux que de nouvelles. On trouve dans une même page un texte de nouvelle et juste à côté, un commentaire du journaliste qui a rédigé la nouvelle. Devant le tribunal de l'opinion publique, ce journaliste est l'avocat et le juge en une seule personne.
Les chroniqueurs émettent des opinions contraires à celles exprimées en page éditioriale. Et les pages éditioriales contiennent parfois des informations capitales qu'on n'a pas trouvées dans les pages d'information.
[...]
À mon sens, avec la confusion des genres, il n'y a plus d'opinion publique informée. Il y a une opinion publique dirigée et provoquée. La concurrence au sein de la machine médiatique, entre les grands réseaux, entre les chaînes d'information continue, entre les médias traditionnels et les médias en ligne, force les journalistes à baisser la garde malgré eux.
(tiré d'un discours de Luc Beauregard à l'Association des MBA du Québec, le 1er décembre 2010... qui provient du livre Luc Beauregard - Le pari de la vérité, de Jacqueline Cardinal et Laurent Lapierre)
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